A l’occasion de la prise de fonction en tant que gérant à Accolades, j’ai senti le besoin de raconter une histoire…

J’ai pris le train. Devant moi il y avait une jeune femme. Pendant la quasi-totalité du trajet nous nous sommes poliment ignorés, comme coutume dans ces trajets en transports en commun. La voix de la cheffe de bord annonce un retard. Puis la jeune femme, tête contre la vitre, les yeux fermés, a silencieusement commencé à pleurer. – Ça va ? je lui demande. – C’est rien, juste la fatigue et le travail, elle répond. – À ce point ? – Oui, mais ça va, je suis encore jeune. – En plus c’est un boulot que tu aimes ? – Oui, c’est ça le problème… « Je suis encore jeune », ça m’a secoué. La jeunesse est donc une sorte d’excuse, de justification ou de récompense pour des situations au travail qui poussent les personnes à pleurer, en public, devant un inconnu incapable de trouver un quelconque mot de réconfort.

Cet évènement est venu interroger ma propre relation au travail… j’ai alors ressenti le besoin de laisser couler les mots pour dire « Comment » j’aurais aimé travailler…

Et j’ai écrit….

« Nous sommes minuscules, c’est notre faiblesse et notre force. Les petits changements dans la vie quotidienne, le travail, un déménagement, la vie amoureuse, tout petit changement nous impacte car nous sommes minuscules. Minuscules c’est aussi passer à travers les grands événements, en récolter quelques expériences et les mettre bout-à-bout, pour un avenir construit ensemble et qui diffère complètement des phénomènes qui l’ont engendré.

Les problèmes ne sont pas des obstacles, ils sont des points de départ. Car un problème n’est rien d’autre qu’on objet intellectuel demandant une solution. Là où on rajoute des contraintes nous libérons la créativité et utilisons les problèmes comme tremplin pour l’innovation, le mouvement perpétuel, le progrès, l’évolution.

Le désaccord n’est pas un facteur de blocage, c’est un multiplicateur d’idées. Choisir c’est éliminer une idée. Les fusionner c’est en créer une nouvelle et la multiplier à d’autres, dans une logique d’interactions mutuelles typique du monde qui nous entoure. Nous copions la nature dans la tentative de se rapprocher de sa simple complexité.

La distance géographique est un élément de maillage territorial. Une accolade fait du bien, mais travailler, rester proches, se confronter, peut se faire désormais à distance. Cela nous permet d’étendre nos réseaux, de faire de nouvelles rencontres, de partager des expériences réellement nouvelles.

Les envies personnelles, les loisirs, les projets parallèles, ne sont pas des pertes de temps, ils contribuent à notre subjectivité. La productivité ne dit rien de la qualité, ni de l’efficacité du travail. Nous pensons que le travail libre est du travail utile, que lire un livre, un journal, écouter un podcast, regarder un documentaire, faire des dessins, servent l’intellect personnel et collectif, affinent la subjectivité et l’analyse de la société. Le travail « à côté » est pour nous une ressource précieuse au service de toutes et tous car cela permet d’agrandir son esprit.

Nous faisons ce qu’il nous plaît, nous jetons le reste. Forcer et se forcer sont la garantie pour une activité malmenée, de faible qualité. Nous n’en voulons pas. Si quelque chose ne trouve pas de preneur, n’est pas vital à notre survie, n’apporte rien à aux autres, cette chose n’est pas à faire.

La pensée « à côté », « out of box », « en dehors des schémas » est fortement encouragée. Un excentrique qui réussit est un visionnaire. Derrière ce récit quasi mystique il y a une autre réalité, celle qui nous raconte nos excentricités à nous toutes et tous, de l’autocensure et de la censure sociale. Nous encourageons ces personnes folles à nous bousculer, à nous ouvrir de nouvelles fenêtres avec de nouveaux points de vue.

Les nouvelles technologies servent l’humain, jamais le contraire. Si nous ne pouvons plus sortir d’une technologie en particulier, nous devons nous en débarrasser. Un service, un outil qui nous enferme dans certaines pratiques, nous enferme aussi dans certains schémas de pensée, limite notre créativité. Nous irons chercher une alternative.

Nos services servent le peuple, jamais l’asserviront à une idée, une politique, un financement. Des bénéficiaires sous contrainte sont des bénéficiaires amputés d’un certain nombre de leurs libertés, d’un certain arbitre. Nous voulons offrir notre travail pour qu’il soit source de libération, il ne sera pas un système de tri et de rangement dans des cases, nous ne fabriquons pas de chaînes, ni pour nous, ni pour les autres.

Nous avons notre propre idée du politique. Politique est tout ce qui régit nos relations. Nous le voulons transparent, fluide, collectif, contradictoire, unique, partagé. Ce sont nos idéaux qui devront conduire nos actions, jamais l’inverse. Quand nous fabriquons nos idées pour justifier nos actes, notre devoir est de faire demi-tour, se remettre en question, s’en remettre à l’humilité. Puis recommencer à structurer notre œuvre selon nos principes originels. »

Voilà que je décrivais une utopie… c’était au milieu de l’année 2019 et je ne savais pas que quelques semaines plus tard j’allais rencontrer Accolades, j’allais faire connaissance avec l’utopie.

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